Cluetrain Manifesto: 10 ans plus tard

Il y a de ces livres qui ont un impact fondamental sur la pensée collective, qu’on s’en rende compte ou non. Il y a dix ans, jour pour jour, quatre Américains (Rick Levine, Christopher Locke, Doc Searles et David Weinberger) ont soutenu, dans The Cluetrain Manifesto, que l’Internet allait transformer radicalement la relation entre les entreprises et les consommateurs en permettant l’échange d’idées entre individus, contrairement aux modèles de marketing de masse qui primaient à l’époque. L’idée de « conversation » a pris son envol. Pour souligner l’anniversaire du Cluetrain Manifesto, 95 blogueurs publieront aujourd’hui leur analyse d’un de ses 95 thèses (95, chiffre fétiche évoquant les 95 thèses de Martin Luther, ce moine allemand du 16e siècle qui avait, par ses propos, transformé les notions écclésiastiques de façon irréversible).

Pour ma part, je me penche sur celui-ci, en vous racontant une anecdote personnelle: 

#76. We’ve got some ideas for you too: some new tools we need, some better service. Stuff we’d be willing to pay for. Got a minute?

Il y a plus de sept ans, à l’époque où je travaillais comme coordonnatrice aux communications d’entreprise de Microcell Telecommunications Inc. (ancien proprio de Fido), on me demandait de faire les relations de presse et de tisser des liens avec les journalistes de l’industrie. Certaines de ces relations fleurissent à ce jour. Mais contrairement à mes collègues du département, je surveillais également ce qui se disait au sujet de la marque sur Internet, surtout dans les forums comme Howard Chui. On y trouvait non seulement des évaluations d’appareils, mais des discussions concernant la qualité du service à la clientèle des différents fournisseurs, de leurs plans tarifaires, de leurs programmes marketing etc. Une richesse d’informations et, surtout, d’opinions de consommateurs avertis. Des clients qui cherchaient à s’exprimer et qui ne demandaient pas mieux qu’une participation active de la part de l’entreprise. Je lisais ce qu’on publiait au sujet de l’entreprise dont j’avais le mandat de ‘gérer la réputation’ sur des sites comme Rip off Report. Je faisais, par ma propre initiative, de la vigie et j’apportais certains propos à l’attention de mes supérieurs. Ils s’y intéressaient peu, se demandant certainement pourquoi j’y perdais mon temps.

Je voulais aller plus loin. J’ai proposé qu’on communique directement avec ces internautes, qu’on encourage la discussion dans le but de gagner (ou de maintenir) leur confiance. J’avais lu Funky Business, livre qui, en plus de mon unique cours universitaire en anthropologie, m’avait permis de comprendre l’importance de la notion de tribu. Les auteurs de Funky Business ont publié leur bouquin en 1999, en même temps que le Cluetrain Manifesto. Comme quoi il y avait, à l’époque, quelque chose dans l’air.

Ma proposition est tombée dans le vide total. Mes collègues du département ne voyaient pas l’intérêt de travailler avec des gestionnaires de forum, comme Howard Chui, comme on travaillait avec les médias traditionnels. Ils ne s’attardaient pas à ce qui était écrit sur le web. Ils disaient (et je cite) que l’Internet était sans importance et n’avait aucun véritable impact.

Il y a de ça plusieurs années. Je ne travaille plus chez Fido depuis un bon bout de temps, ayant quitté avant que Ted Rogers prenne les rennes. Les choses ont certainement changé depuis (du moins je l’espère), comme elles ont dû changer au sein de plusieurs départements de communication de bon nombre d’entreprises québécoises.

On le dit maintenant depuis longtemps. Les grandes (et petites) entreprises ne peuvent plus se permettre de négliger les internautes. L’influence du pouvoir décisionnel y réside. La cote des journalistes étant à la baisse, les consommateurs se fient de plus en plus à ce que Google présente comme information. Les clients ont des opinions à partager, des suggestions à faire. Ils peuvent être votre pire ennemi ou votre meilleur ambassadeur. Par le biais de son blogue, sa balado, et ses comptes Twitter, Facebook et Flickr, l’individu qui a des choses à dire peut, depuis plusieurs années, maintenant, se faire entendre de façon innouïe.

Combien d’entreprises québécoises ont enfin compris le message du Cluetrain Manifesto? Combien vont à la rencontre de leur clientèle sur Internet?

Afin de souligner le 10e anniversaire du Cluetrain Manifesto, je vous proposerai cette semaine un outil collaboratif qui nous aidera à évaluer l’évolution de notre industrie. De constater ce qu’on a accompli à date et de promouvoir nos nouvelles initiatives. À suivre.


3 réponses à “Cluetrain Manifesto: 10 ans plus tard”
  1. […] need, some better service. Stuff we’d be willing to pay for. Got a minute? Michelle Sullivan, Michelle Sullivan Communications, […]

  2. Avatar de Sophie Labelle

    Très intéressant Michelle. C’est donc à suivre pour l’outil collaboratif dont tu nous parles. :o)

  3. Avatar de Guy Litalien

    Michelle, à la lumière de cet article, se profile un constat que plusieurs professionnels de la communication d’entreprise devraient vivement considérer : les internautes constituent un public et selon les enjeux de l’organisation, ils doivent être considérer comme un public actif sinon latent. Matière à réflexion proactive pour les organisations performantes et matière réactive pour les autres ! G.

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