L’ethique, les relations publiques et les médias sociaux

En quittant l’événement du 3e mardi | Third Tuesday Montréal cette semaine, j’ai ressenti une certaine satisfaction, sachant que la discussion entre pairs avait été active et les échanges intéressantes. En même temps, je suis partie un peu songeuse, me disant qu’il faudrait qu’on revienne sur ce sujet à un moment donné. J’aurais aimé entendre davantage que les professionnels en relations publiques et en marketing ont compris que nous ne parlons pas seulement de nouveaux outils, mais d’une nouvelle mentalité et d’une nouvelle façon de communiquer imposée par le public. L’époque manipulatrice de Mad Men et de la vieille école de Morrow et compagnie est révolue. Ceux que nous tentons d’interpeller n’acceptent pas la tromperie. Ça les offusque. Et ils nous le font savoir. Ils sont en quête d’authenticité et de transparence. Ce ne sont pas des mots tendance qu’on devrait simplement brandir … on parle ici de valeurs fondamentales.

Ce sont des valeurs reflétées dans le code de déontologie de la SQPRP. J’étais déçue .. et je sais ne pas être seule .. d’apprendre que la SQPRP ne partiperait pas à notre soirée mardi dernier. Pourtant, il me semble qu’il s’agissait d’une belle opportunité de mettre les points sur les ‘i’ et de démontrer du leadership. Mais puisque la SQPRP dit ne pas encore avoir pris position sur cette (Bixi/Mirador) question, ils ont préféré ne pas envoyer de représentant officiel. Dommage. Mais vraiment.

Mirador sera diffusée dès cet automne, selon le site de Radio Canada … ou bien en janvier 2010 si on croit Hugo Dumas de La Presse et d’autres. Je lance donc l’invitation – d’ici là, je trouverai un endroit où pourront se rassembler devant un écran géant les pros en RP et en marketing qui étaient au Daylight Factory mardi soir, ou qui auraient voulu y être. Des absents comme Jacques Nantel, par exemple, et Bernard Motulsky. Nantel, qui a été cité dans l’article de Patrick Lagacé sur l’affaire Bixi et Motulsky, qui, par ses écrits, aurait inspiré ceux qui ont crée Mirador.

J’inviterai également Michel Fréchette, de Girard & Fréchette, qui agit en tant que consultant pour l’émission. J’ai d’ailleurs hâte de faire la connaissance de M. Fréchette car, je dois l’avouer, je ne le connais malheureusement pas. Qui dit que le monde des RP est petit? Si je peux me fier à Google, l’agence Fréchette & Girard n’a pas de site web … et ne serait donc ni à l’ère 1.0, ni, j’imagine, à l’ère 2.0. Pas de carte de visite sur Internet. Il me fera donc encore plus plaisir de rencontrer M. Fréchette en chair et en os. Il serait peut-être venu au dernier 3e mardi .. je n’ai pas eu la chance de l’inviter à se joindre à nous, ayant pris connaissance de sa participation à l’émission seulement dimanche soir et me disant que ça ne se faisait tout simplement pas de donner si peu d’avis. L’invitation est certainement lancée pour la suite des choses, surtout si M. Fréchette n’a pas (qui sait?) souvent l’occasion de fréquenter des professionnels de la nouvelle vague comme ceux qui viennent aux soirées du 3e mardi. Je dois dire que je suis rassurée d’apprendre qu’un Québécois sera consultant pour l’émission … j’ai cru penser à un moment donné que seul un Américain était de la partie. Vous savez comme moi que nous ne voyons pas toujours les choses du même oeil que nos voisins.

Si vous le voulez bien, on regardera la première en gang devant un écran géant. Un peu à la manière d’une finale de la Coupe Stanley. Sauf que j’ai comme l’impression que ça ne fêtera pas fort.

J’inviterai aussi de nouveau Daniel Thibault et Isabelle Pelletier, co-auteurs de Mirador, pour qu’ils entendent nos réactions de vive voix. Après tout, c’est notre industrie qu’ils mettent en scène. Notre industrie et sa réputation.

Et ça commence mal. Voici comment certains journalistes et choniqueurs qui étaient sur le plateau de tournage de l’émission Mirador hier décrivent le téléroman:

Hugo Dumas, La Presse:

Docteur spin, leçons de manipulation

Hop! Nous voici au 36e étage de la prestigieuse tour IBM, toute en acier et en verre, qui s’élève au centre-ville de Montréal, boulevard René-Lévesque Ouest. C’est ici que la boîte de communications Mirador – l’équivalent fictif d’une firme comme National – étouffe des crises politiques, noie des scandales sexuels et tripote la vérité.

(…)

Manipulateurs d’images

Selon les relationnistes rattachées à l’émission, Mirador sera percutante, divertissante et palpitante. Attendez un peu. Suis-je en train de me faire manipuler? Y aurait-il des gens dans le milieu de la télé qui ne disent pas toujours la vérité et rien que la vérité? Non. Je refuse d’y croire. Impossible (pour ceux qui doutent encore, oui, c’est du sarcasme).

Geneviève Vézina-Montplaisir, Métro:

(…) cette mise en scène n’était pas très loin de la réalité des vrais conseillers en relations publiques, qui représentent les gran­des compagnies et les personnalités de ce monde en manipulant parfois l’information transmise aux mé­dias et au public.

Anne-Marie Cloutier, Le Soleil:

Le projet de Mirador a pris naissance il y a six ans. En écoutant les nouvelles, les auteurs étaient de plus en plus fascinés par «l’omniprésence des forces occultes» derrière tout discours ou déclaration publique.

Caroline Roy, Rue Frontenac:

Mirador dépeint le côté sombre des relations publiques

«L’actualité nous inspire, mais ça demeure de la fiction», expliquent les auteurs de Mirador, Daniel Thibault et Isabelle Pelletier.

C’est néanmoins le réel cabinet de relations publiques National qui a donné l’idée de cette série à Daniel Thibault. «Le nom de National revenait à l’occasion de quelques scandales. Il semblait y avoir une force occulte autour de ces gens-là qui géraient la crise. J’ai commencé à fouiller le sujet», dit-il.

(…)

Patrick Labbé décrit son personnage tel un homme tourmenté par l’aspect plus ou moins éthique de son boulot, contrairement à son frère et à son père.

Pour conclure, une citation des co-auteurs, puisée dans l’article d’Hugo Dumas:

«On se fait manipuler de toutes les façons possibles. Il y a toutes sortes d’histoires d’horreur», constate Daniel Thibault. «Et Mirador, c’est un beau véhicule pour raconter ces histoires-là», ajoute Isabelle Pelletier.

Oui, oui, je comprends. C’est un téléroman. Ce n’est pas un reportage. Après tout, selon Hugo Dumas, Daniel Thibault aurait puisé son inspiration de l’émission américaine The Practice. Mais entre vous et moi, quel meilleur outil qu’un téléroman pour façonner l’image de tout une industrie aux yeux du public?  On verra bien si mes tantes me regarderont de travers le lendemain de la première.

D’ici là, une citation vers la fin de l’article de Rue Frontenac et attribuée à Patrick Labbé nous offre une lueur d’espoir:

Lors du premier épisode, Philippe revient d’un congé de travail de six mois. Il constate que sa job n’a pas de bon sens et que les relations publiques peuvent se faire autrement. Mais il n’a pas conscience de ce qu’implique de dire la vérité.

Mirador sera diffusé le mardi soir, selon la grille préliminaire de Radio-Canada. Un 3e mardi, peut-être?


16 réponses à “L’ethique, les relations publiques et les médias sociaux”
  1. […] la réputation de ses clients en temps de crise…. bref, comme l’explique si justement Michelle Sullivan dans son dernier billet la réputation des professionnels en relations publiques va encore une fois […]

  2. Avatar de Matthieu Sauvé
    Matthieu Sauvé

    De grâce, un peu de perspective ou, autrement dit, respirons par le nez 🙂

    Les médecins sont-ils tous aussi désagréables et vaniteux que le Dr House ? Les entrepreneurs de pompes funèbres sont-ils tous aussi fêlés que la famille mise en scène dans Six Feet Under ? Le célèbre film Wag the Dog est-il vraiment représentatif de qui se passe à la Maison Blanche (quoi que, dans ce dernier cas, à une certaine époque…). Bref, quelqu’un peut-il sérieusement soutenir que ces séries télévisées ont contribué à « façonner l’image » de ces industries auprès du public ?

    En d’autres termes, pourrait-on attendre de voir Mirador avant de porter un jugement ? Pourrait-on aussi réfléchir aux motifs historiques de la perception qu’ont certains acteurs sociaux du métier des professionnels en relations publiques ? Le cas échéant, pourrait-on agir pour corriger cette image au lieu de se contenter de dire qu’il faudrait agir et attendre que des tiers s’en occupent ?

    Et un dernier détail : si la réalité ne nous plaît pas, le fait de briser le miroir n’y changera rien.

  3. Avatar de Guy Versailles

    En premier lieu, je déplore sincèrement que les mardis soir soient aussi incompatibles avec mon agenda. Je sens que la discussion a dû être passionnante.

    Je suis d’accord avec Matthieu qu’il nous faut collectivement apprendre à respirer par le nez. Je crois que notre insécurité concernant notre propre réputation découle en grande partie de notre propre déficit de réflexion sur le sujet. Si on réfléchissais davantage à ce que doivent être les RP plutôt que de dénoncer l’image que l’on semble vouloir en projeter? Pour cela, je propose de lire le code de déontologie de la Public relations Society of America (PRSA) davantage que celui de la SCRP qui est à mon avis très minimal. Le code de la PRA ne se contente pas de lister des intentions vertueuses: «the Code is about what we should do, and why we should do it».

    Selon ce code, la PRSA doit doit travailler à «construire et à maintenir l’armature d’un dialogue public digne du soutien et de la confiance du public» (ma traduction). Voilà un positionnement professionnel nettement mieux affirmé, selon moi, que le nôtre, qui demeure encore trop axé sur ce que nous faisons et pas assez sur «pourquoi» nous le faisons. Je pourrais en parler longtemps mais le format web, malheureusement pour les dinosaures comme moi, ne semble accomoder que de brefs échanges.

    Je sens qu’on va beaucoup se parler cet automne…

  4. Avatar de Michelle Sullivan

    @mathieu

    Selon moi, la meilleure façon de gérer une crise potentielle est de la voir arriver et de se préparer en conséquence. Si elle ne se manifeste pas, tant mieux. Je ne pense pas que d’en parler maintenant soit signe d’une attitude hystérique, mais plutôt d’une invitation au discours constructif.

    Je me sers de Mirador comme prétexte pour parler du vrai bobo: l’image de notre industrie. Pas fameuse, avouons.

    Loin de moi de vouloir comparer Mirador (que je n’ai pas encore vu) à des émissions comme Les Plouffes, All in the Family, The Cosby Show, Hill Street Blues et Mary Tyler Moore, mais, oui je me sens à l’aise de « sérieusement soutenir » que ces séries télévisées ont contribué à “façonner l’image” de certaines tranches de société et industries auprès du public, tout comme l’ont fait The Godfather, All the President’s Men et Mon Oncle Antoine. Pas toi?

    ref: « Le cas échéant, pourrait-on agir pour corriger cette image au lieu de se contenter de dire qu’il faudrait agir et attendre que des tiers s’en occupent ? »

    Je suis d’accord avec toi – c’est pour cette raison que j’ai:
    – abordé le sujet dans mon blogue
    – organisé le dernier 3e mardi Montréal qui nous a permis à entreprendre (que je sache) la première discussion entre professionnels concernant notre image et à donner voix à nos préoccupations. (J’étais très contente de t’y voir, d’ailleurs – à la prochaine, j’espère.)
    – commenté les billets qui donnent une mauvaise impression des RP – comme tous ceux qui disaient que Morrow Communications est une firme de relations publiques, quand elle est une agence de pub, par exemple.

    Je ne pense pas qu’un appel à la manifestation devant les bureaux de Radio Can soit de mise 😉 Pour l’instant, je me contente de défendre mon industrie sur la place publique de cette façon. Si je me sens obligée de le faire, c’est que j’ai effectivement l’impression que je ne peux pas encore compter sur des tierces parties (ou associations) pour le faire. Ça viendra un jour, peut-être.

  5. Avatar de Matthieu Sauvé
    Matthieu Sauvé

    Chère Michelle,

    Pour employer une expression populaire, j’espère que tu n’as pas pris mon commentaire « personnel ». En fait, j’y allais plutôt de réflexions générales sur la pratique des RP et la gestion de notre chère image. Comme le dit si bien Guy, c’est peut-être un déficit de réflexion, bien davantage que quoi que ce soit d’autre, qui est la cause du problème. D’ailleurs, je te propose un petit exercice amusant (quoi que je ne suis pas certain que ce soit si drôle que ça : demande à une demi-douzaine de praticiens des relations publiques quelle est leur définition de leur métier. Je suis prêt à mettre un vieux 20 $ que tu obtiendra… une demi-douzaine de réponses différentes. Or, à mon avis, cette absence de consensus est loin d’être anodine. Enfin, soyons optimistes, j’imagine qu’il s’agit là du reflet de l’intense réflexion qui se livre sur la nature profonde de ce que nous faisons dans la vie ! 😉

  6. Avatar de Michelle Sullivan

    Je n’accepterais jamais un tel pari … je serais certaine de perdre! 😉

  7. […] une certaine éthique, c’est à dire qu’ils ne déforment pas indûment la réalité. Watch out, bien chers frères et bien chères […]

  8. Avatar de Anne-Marie Gagné
    Anne-Marie Gagné

    Cordonnier mal chaussé???

    Pourquoi les relationnistes sentent-ils autant le besoin de clarifier, voire justifier leur profession?

    Une étude réalisée par la Chaire en relations publiques et communication marketing de l’UQAM offre peut-être un début de réponse…

    […] à une question ouverte du sondage, quant à l’enjeu qu’ils [les relationnistes ayant participé au focus group] jugent le plus important dans l’exercice de leurs fonctions : bien loin derrière la participation à la gestion stratégique des organisations, la reconnaissance professionnelle ou la crédibilité de la profession. De même, les professionnels provenant des cabinets-conseils ont rappelé, d’une seule voix dans le cadre de leur groupe témoin, que la compréhension du rôle des relationnistes est encore floue et qu’il n’est pas rare qu’on associe leur rôle à celui de publicitaire.

    Le relationniste serait-il un cordonnier mal chaussé ? Cette profession, qui excelle pourtant à mettre de l’avant l’image des autres, ne semble pas arriver à imposer sa véritable image. Comme l’écrit Dagenais (1999) : « L’image des relations publiques traduit bien les misères et les grandeurs de ce métier » (p. 199). Dagenais fait référence aux images, qui, selon lui, persistent et collent à la peau des relationnistes : le relationniste mondain, manipulateur, menteur, le relationniste ventilateur (celui qui fait beaucoup de vent, dépense beaucoup d’énergie, mais au bout du compte, ne sert qu’à déplacer de l’air), le spin doctor (celui qui fait en sorte que son client paraisse sous un bon jour), le fou du roi, le mercenaire, le maquilleur de la réalité, etc. Selon Dagenais (1999), plusieurs problèmes guettent le métier de relationniste, notamment celui de la crédibilité et de l’image de la profession. Mais quelle est la « véritable » image des relations publiques? Et avant même de parler « d’image », que sont les relations publiques?

    Je suis d’accord avec M. Sauvé qui écrit que la définition des RP est probablement loin de faire consensus et que cela n’est pas anodin.

    En septembre 2007, la SCRP a donné le mandat à trois de ses membres de répertorier les définitions des relations publiques utilisées dans l’enseignement de cette matière à l’université. Les trois chercheurs ont répertorié quelque 460 définitions différentes, la majorité provenant de la littérature américaine.

    En quoi est-ce si important de s’entendre sur une définition ou sur un vocable précis?

    Personnellement, je pense que l’imprécision autour de la définition des relations publiques permettrait de faire, en leur nom, tant de choses si différentes qu’il apparaît bien difficile aujourd’hui de les dépouiller des caractéristiques multiples dont ont les a affublées. Cette diversité se reflèterait notamment dans les dénominations de plus en plus nombreuses utilisées par les grandes entreprises et les administrations publiques : relations gouvernementales, communication interne, relations de presse, marketing social, etc. Si la richesse de ce vocabulaire traduit la variété des conceptions, elle ne pourrait manque d’entraîner une certaine confusion sur le terme. Ce qui, ajouterions-nous, pourrait être mis en lien avec le scepticisme entourant le discours du relationniste…

    Eh oui, vous le savez : les relations publiques n’ont pas toujours bonne presse.

    Dans un ouvrage paru en 1993, Lee W. Baker Lee écrit que le terme « relations publiques » évoque, pour plusieurs, fraude et tromperie, désinformation, mensonge et trafic d’influence et corruption :

    As a result, in the mind of many, the term calls up visions of fraud and deceit, misinformation and falsehoods, influence peddling and payola. They see self-styled PR experts apply the spin, make things appear just a little different from what was really said or done and more favourable to an individual organization (p. 1).

    En 1995, un ouvrage intitulé: Toxic Sludge is Good for You! Lies, damn lies, and the public relations industry rédigé par John Stauber et Sheldon Rampton décrit la pratique des relations publiques ainsi: « A single public relations professional with access to media, a basic understanding of mass psychology and a fistful of dollars can unleash in society forces that make permanent winners of otherwise-evident losers…» (p. 1). Les auteurs de ce livre affirment que les relations publiques constituent LE problème de la démocratie dans le monde moderne, argument qui a d’ailleurs été repris par Chomsky en 2000. En effet, dans le livre Propagande, médias et démocratie publié en 2000, Noam Chomsky, célèbre analyste des médias aux États-Unis, consacre un chapitre aux relations publiques. Ce chapitre repose sur un argumentaire selon lequel les relations publiques ont pour unique but de contrôler l’opinion publique :

    Ils [les relationnistes] savent ce que doit être une démocratie, à savoir un régime politique dans lequel la classe des spécialistes reçoit une formation pour servir les maîtres, ceux qui possèdent la société. Le reste de la population doit être privé de toute possibilité de s’organiser, car s’organiser, c’est provoquer des troubles (Chomsky et McChesney, 2000, p. 34).

    Dans une entrevue accordée au journal Le Monde Diplomatique, en 2007, Chomsky réaffirme son opinion à l’égard des relations publiques qu’il accuse de produire, au sens propre, du consentement, de l’acceptation et de la soumission. Les relations publiques permettraient, selon lui, de contrôler les pensées et les esprits. En 2004, le livre L’industrie du mensonge présentait le résultat d’une enquête d’investigation sur « l’industrie du mensonge » que constituerait l’alliance relations publiques, médias et publicité. Selon Stauber et Rampton, auteurs du livre, les relations publiques seraient devenues une industrie à part entière uniquement conçue pour modifier la perception de la réalité des différents publics et de fabriquer du consensus dans le but d’aider les détenteurs de pouvoir à conserver leur autorité.

    Cette opinion rejoint également celle de Ramonet (2001; 2002) qui, dans ses livres La tyrannie de la communication et Propagandes silencieuses défend l’idée qu’aujourd’hui, l’information relève de la communication, terme auquel il donne une connotation très péjorative,la communication étant, pour lui, une information-spectacle visant à domestiquer les esprits, endoctriner les gens. Plus particulièrement, dans Propagandes silencieuses, il explique comment les relationnistes (notamment) réussissent à entrer par effraction dans la pensée des gens pour y greffer des idées qui ne sont pas les leurs.

    À ce jour, aucune donnée de nous permet de savoir comment les relations publiques sont perçues par les Québécois, mais certains indices nous amènent à penser que l’idée que les relationnistes contrôlent l’information, voire l’opinion publique, semble avoir fait son chemin dans l’espace public. Dommage… Cordonniers : quand réparerons-nous nos souliers et surtout : comment. Le mot d’ordre, à mon avis, c’est la confiance. Comment (re)gagner la confiance ?

  9. Avatar de Michelle Sullivan

    @Anne-Marie Gagné

    Oof! Merci _beaucoup_ pour ce commentaire évidemment travaillé et bien réfléchi. Matière à réflexion et à débat – 3e mardi | Third Tuesday a lancé la balle l’an dernier – est-ce que d’autres poursuivront? Pour ma part, j’aimerais bien voir une bonne discussion entre pairs à ce sujet. Je ferais mon possible pour arriver à la table ayant pris connaissance de tous les textes que vous citez.

    Il me semble que notre profession a pris assez de maturité pour qu’on puisse en discuter et, comme vous le proposez, arriver à des solutions, ensemble, pour regagner la confiance.

    Encore une fois un très grand merci.

  10. Avatar de Anne-Marie Gagné
    Anne-Marie Gagné

    Beaucoup de références en effet… C’est que la relation de confiance entre les relationnistes et les parties prenantes de l’entreprise (en contexte de responsabilité sociale de l’entreprise) est le sujet de ma thèse de doctorat (que je suis en train de rédiger)… Déformation professionnelle! ; )

  11. Avatar de Guy Versailles

    Enfin un début de débat sur le fond des choses. Oui il y a des centaines de définitions possibles des RP en circulation. Et oui, un nombre trop élevé de nos collègues sont incapables de définir avec précision ce que sont les RP, ou d’établir une distinction entre les RP et le marketing, ou de cerner les limites à ne pas franchir quand on fait des RP-marketing. Face à tout cela, j’affirme ce qui m’apparaît une vérité fondamentale:

    Il nous appartient à NOUS de définir notre pratique professionnelle, en nous basant sur la théorie tout de même substantielle qui s’est construite au fil des années. Le jour où nous le ferons avec suffisamment de force, de conviction et de compétence, notre crédibilité s’améliorera.

    J’ai moi-même passé en revue plusieurs définitions des RP. Je vous en livre trois. La première tient en trois mots, choisis par un groupe de practiciens auquel j’ai eu l’honneur de participer, au terme d’une démarche de réflexion et d’approfondissement sur la nature de la profession qui a duré 18 mois:

    «Comprendre, Communiquer, Rapprocher»

    La deuxième se trouve sur la page couverture de l’Annuaire 2010 des membres de la SCRP (probablement la page la plus utile de tout l’annuaire!):

    «Les relations publiques sont la gestion stratégique, par le truchement de la communication, des liens entre une organisation et ses différents publics afin de favoriser la compréhension mutuelle, de réaliser ses objectifs organisationnels et de seervir l’intérêt du public.»

    La troisième est livrée par Seib & Fitzpatrick dans un ouvrage sur l’éthique en RP datant de 1995 et qui demeure un incontournable à mon avis:

    «« Every profession has a moral purpose. Medicine has health. Law has justice. Public relations has harmony – social harmony…public relations professionals promote mutual understanding and peaceful coexistence among individuals and institutions. »

    Ces définitions – et toutes les autres que j’ai passé en revue – nous permettent de cerner les principaux aspects de ce que sont les relations publiques. Il convient d’abord de noter qu’elles servent, comme leur nom l’indique, à mettre en relation des personnes et des organisations. Elles visent à influencer les attitudes et les comportements, en établissant la confiance entre les parties. Elles mettent en jeu des moyens d’analyse de l’environnement et d’identification des menaces et des opportunités. Elles aident les organisations à régler des problèmes concrets et contribuent à les faire évoluer. Enfin, elles répondent à un idéal d’harmonie.

    Certains termes de cette définition sembleront naïfs : établir la confiance, poursuivre un idéal d’harmonie notamment. Dans l’imaginaire populaire, on associe plutôt les relations publiques aux situations conflictuelles où la confiance, justement, n’est pas au rendez-vous. Cette perception cache une certaine confusion entre «confiance» et «bonne entente». En fait, la véritable confiance ne repose pas sur le fait de s’entendre ou pas avec l’autre partie; elle repose sur la fiabilité que nous avons que l’autre partie fera ce qu’elle dit et dira ce qu’elle fait. Il est moins important en relations publiques d’être populaire que de donner l’heure juste. Les parties peuvent ne pas s’entendre mais elles doivent, pour pouvoir dialoguer ou négocier, avoir confiance que le message qu’elles reçoivent correspond fidèlement à pensée et à la position de l’autre partie. Le rôle du relationniste est de projeter une image conforme à la réalité et non d’embellir cette réalité; c’est ainsi qu’il construit la confiance.

    Pour ce qui est de l’idéal d’harmonie, il est précisément cela : un idéal, une qualité aussi élusive que le sont la santé ou la justice. Mais les avocats travaillent surtout aux marges de la justice, les médecins aux marges de la santé, et les relationnistes aux marges des conflits. Tous travaillent au nom d’un idéal dans des situations où cet idéal fait défaut; ils n’en sont pas moins convaincus de son importance. Il constitue un repère, une balise, une valeur fondamentale sur laquelle on peut construire une éthique professionnelle.

    Typiquement, une démarche de relations publiques comporte les étapes suivantes : étude et compréhension de l’organisation pour laquelle on agit; étude et compréhension de la situation générale de cette organisation dans son environnement; identification des parties prenantes et de leurs enjeux; définition d’une stratégie mettant en jeu divers moyens de communication; mise en œuvre des moyens prévus par la stratégie; enfin, évaluation des résultats obtenus. Le tout, dans un contexte de devoirs envers – dans cet ordre – l’intérêt public, la profession et le respect de soi comme professionnel, et le client ou l’employeur.

    Voilà ma contributon pour l’instant.

    Michèlle, bonne nouvelle! Je n’ai plus de cours le mardi soir. Je serai très heureux de participer à vos discussions si tant est que vos soirées se poursuivent.

  12. Avatar de Anne-Marie Gagné
    Anne-Marie Gagné

    Il est en effet difficile de trouver dans la littérature scientifique et dans la documentation portant sur les relations publiques une définition partagée du terme « relations publiques ». Personnellement, celle donnée par la Société canadienne des relations publiques (SCRP) m’apparaît fort intéressante. Cette définition se lit comme suit:

    Les relations publiques consistent en la gestion des relations entre une organisation et ses divers publics par l’entremise de la communication, afin d’atteindre une compréhension mutuelle, de réaliser les objectifs organisationnels et de servir l’intérêt public.

    Attention! Je ne la trouve pas intéressante parce que je la trouve « juste » ou « vraie ». Non. Si elle m’apparaît intéressante, c’est parce qu’elle est probablement l’une des plus récentes à ce jour et surtout, qu’elle provient du fruit d’une longue réflexion et d’un important travail de recherche. Comme je le mentionnais dans un billet précédent, en septembre 2007, la SCRP a donné le mandat à trois de ses membres de répertorier les définitions des relations publiques utilisées dans l’enseignement de cette matière à l’université. Les trois chercheurs ont répertorié quelque 460 définitions dont la majorité provenait de la littérature américaine. L’adoption de la définition précédemment citée est survenue après une longue période d’analyse et après plusieurs discussions entre professionnels des relations publiques.

    Or, qu’est-ce que sous-entend la « nouvelle » définition des relations publiques adoptée par la SCRP? Selon Seaman (2009), cette définition répond à l’un des enjeux (ou dilemmes) auxquels tous les relationnistes font face un jour ou l’autre dans leur carrière : doivent-ils être au service (ou « prêter allégeance », comme l’écrit Seaman) à leur client ou au public (aux parties prenantes)? Nous pourrions arguer que le relationniste doit servir les deux parties de manière égale. Toutefois, Seaman est d’avis qu’il serait illusoire, voir malhonnête que d’affirmer une telle chose. Il pose la question : « Pouvons-nous sérieusement et honnêtement considérer que les relationnistes travaillent autant pour leur commanditaire (leur client ou l’entreprise qui les emploie) que pour le bien des parties prenantes alors qu’ils sont payés par le dit commanditaire? » Selon lui, la première proposition de la définition (réaliser les objectifs organisationnels) est sabordée par la deuxième (servir l’intérêt public). À son avis, le relationniste doit préalablement promouvoir l’intérêt de ses employeurs, dans les limites permises par l’éthique et la loi. Seaman précise que si l’intérêt du public doit effectivement être prise en compte par le relationniste, l’on ne saurait faire abstraction de la tension qui existe entre ces deux réalités (servir son client et servir l’intérêt des parties prenantes): « In reality, PRs have to favour A under the cover of espousing B », (Seaman, 2009 p. 1).

    M. Versailles semble d’avis que les relationnistes ont des devoirs envers : « l’intérêt public, la profession et le respect de soi comme professionnel, et le client ou l’employeur » (billet du 2 février).

    Votre position, M. Versailles, rejoint (presque) celle de Chouchan et Flahault (2005) pour qui :

    La production de valeur par les relations publiques s’effectue par principe au bénéfice des publics en même temps qu’au bénéfice de l’entreprise. Ce double bénéfice est en phase avec l’attente générale de communication qui se manifeste aujourd’hui par la montée en puissance des concepts de responsabilité sociale d’entreprise et de développement durable (p.12).

    Personnellement, je ne sais trop que penser… Il serait louable de penser que le relationniste est d’abord et avant tout « au service » de l’intérêt public. Mais dans les faits, est-ce vraiment le cas? Parce qu’il ne faut pas se leurrer : dans la vie, il faut réussir à payer son hypothèque (si vous avez vu le film « Thank you for smoking », vous comprendrez).

    Cette « apparente » dichotomie entre servir les intérêts des clients et servir l’intérêt des parties prenantes pourrait-il expliquer (en partie du moins) le scepticisme entourant parfois le discours des relationnistes?

    Comment un relationniste payé par son client peut-il arriver à convaincre le public qu’il ne favorisera pas le point de vue de celui qui le paie plutôt que d’écouter et de servir, en toute honnêteté et professionnalisme, l’intérêt public? Il me semble que nous devrions nous poser cette question et ne pas nous mettre la tête dans le sable… Peut-être y a-t-il là un travail d’éducation à faire (éducation sur ce qu’est la fonction « relations publiques » ?)

    Les gens ne sont pas fous… Les communications mises en place par les relationnistes ne sont pas forcément neutres et n’ont pas la prétention de l’être. Une organisation ne communique pas pour le simple plaisir de communiquer! Derrière les relations publiques, il y a un but, une volonté d’influencer, de promouvoir, de faire changer d’opinion, de faire adhérer, etc. Selon Dagenais (1999), les objectifs du relationniste sont multiples : promouvoir la réputation, la notoriété et l’image de l’organisation, faire reconnaître sa bonne citoyenneté, coordonner les relations de presse, s’occuper des activités de lobbying, communiquer avec les investisseurs, gérer des programmes de dons et de commandites, la communication interne, la communication de risque, etc. Selon Cutlip, Center et Broom (1985), les intentions du relationniste telles que perçues par les parties prenantes affectent sa crédibilité. Quelles sont les intentions des relationnistes? Selon Balandier (1992), les intentions des relationnistes ne sont pas dissociables de celles de leur commanditaire…

    Qu’en pensez-vous?

    Pour lire l’article de Seaman: http://paulseaman.eu/2009/06/definitions-of-pr-keeping-it-honest/

  13. Avatar de Guy Versailles

    Au service du client ou de l’intérêt public?

    Anne-Marie Gagné soulève l’éternel dilemme du relationniste : est-il au service exclusif de son client, ou est-il au service du public? «Il serait louable de penser que le relationniste est d’abord et avant tout «au service» de l’intérêt public. Mais dans les faits, est-ce vraiment le cas?»

    Ma réponse courte est la suivante. Le relationniste est d’abord et avant tout au service de son client, ou de son employeur, il ne saurait y avoir aucune ambiguïté à ce sujet. Mais il servira aussi l’intérêt public – et sa profession – s’il assume ses responsabilités de manière éthique, c’est-à-dire en tenant compte des opinions et des intérêts des parties prenantes et en favorisant un dialogue, plutôt qu’en cherchant à écraser les parties prenantes, à refuser le dialogue, à supprimer des opinions contraires à celle de son client. J’affirme aussi que dans une perspective de long terme, le client sera mieux servi s’il l’a été dans le respect de l’éthique professionnelle des relations publiques.

    Ma réponse longue demande une démonstration que je résumerai dans les pages qui suivent. Je précise qu’il s’agit ici d’une réflexion personnelle et non d’une recherche académique car je n’ai jamais eu l’occasion de lire tout ce que je devrais lire pour prétendre être à jour relativement à la théorie, même si je lis tout de même un peu. Mais dans la mesure où ces quelques réflexions ancrées dans ma pratique peuvent contribuer, allons-y.

    Commençons par clarifier deux concepts, que l’on invoque souvent en les confondant : la protection du public, et l’intérêt public (ou l’utilité publique?) d’une profession.

    La protection du public

    Si les relationnistes prétendent être reconnus comme des professionnels, ils doivent agir comme tels. Au Québec, la pratique des 45 professions reconnues est encadrée en vertu des principes suivants :
    1. Les membres de ces professions exercent une activité reconnue d’intérêt publique et dont la maîtrise demande des études poussées permettant l’apprentissage d’un ensemble de connaissances spécialisées;
    2. Comme seules les personnes ayant étudié dans ces domaines peuvent déterminer qui est compétent pour exercer, la responsabilité de la reconnaissance du droit de pratique est dévolue à l’ordre professionnel qui les regroupe. Pour illustrer, seul le Collège des médecins a le pouvoir d’autoriser une personne à pratiquer la médecine au Québec.
    3. En retour de ce pouvoir qui leur est confié, les professionnels s’engagent, notamment à travers le respect de leur code de déontologie, à toujours exercer leur art dans le meilleur intérêt de leurs clients et à ne pas contrevenir à l’intérêt public. Ils sont regroupés dans un ordre professionnel dont la mission première est de protéger le public contre les abus ou l’incompétence de ses membres.

    Nous sommes loin de voir les relations publiques reconnues comme profession. D’une part, il n’existe pas de consensus social suffisamment fort pour mener à la reconnaissance des relations publiques comme une pratique nécessaire au bon fonctionnement de la société. D’autre part, ni la SCRP, ni la SQPRP, ni aucun autre organisme, n’a le mandat ou le pouvoir de sanctionner les mauvaises pratiques de certains relationnistes. Notre champ de pratique est totalement non réglementé; tous et chacun peuvent décider du jour au lendemain de s’autoproclamer spécialiste en relations publiques.

    Toutefois, l’absence de reconnaissance légale ne nous interdit pas de nous auto-réglementer. L’appartenance à la SCRP et à la SQPRP implique l’obligation morale d’en respecter le code de déontologie. Ces associations ont le pouvoir d’expulser les membres qui contreviendraient à ces codes (mais l’ont-elles jamais fait?) Dans ses travaux réalisés il y a trois ans, le comité de repositionnement de la SQPRP a identifié la promotion de la pratique professionnelle des relations publiques comme l’une des principales valeurs ajoutées de l’appartenance à cette association.

    La protection du public s’applique donc au niveau de la pratique de chaque professionnel. Il s’agit de protéger nos clients et nos employeurs contre les abus et l’incompétence. Mais qu’en est-il de l’intérêt public, au sens large du terme, de la pratique des relations publiques?

    La recherche de l’intérêt public

    Pour que les relations publiques soient éventuellement reconnues comme profession, la société doit leur reconnaître une utilité. Quelle est cette utilité?

    La réponse à cette question se trouve dans les fondements même de notre vie en société. Le processus démocratique à la base de notre système politique est indissociable de la libre circulation des idées et des opinions. Pour que les idées circulent librement et que les débats aient lieu, encore faut-il organiser ces idées et ces débats efficacement. Pour être partagée et débattue, l’information doit être mise en forme et rendue disponible au plus grand nombre. Les journalistes ont une conscience aigue de leur rôle à cet égard et se sont longtemps perçus comme les uniques dépositaires de la responsabilité d’informer. L’antagonisme entre journalistes et relationnistes découle d’ailleurs de ce qu’ils nous perçoivent, au mieux, comme des filtres inutiles et, au pire, comme des agents de manipulation au service d’intérêts particuliers. Et comme ce sont eux qui ont toujours contrôlé le contenu des médias, leur interprétation a toujours prévalue.

    La réalité est cependant très différente. Dans le monde moderne, la multiplicité des voix et la complexité des organisations ouvre la porte à l’intervention très légitime d’autres intervenants que les journalistes pour structurer et diffuser l’information, et pour définir des mécanismes efficaces de débat public. Expliquons cela.

    L’art et la science de la communication efficace est un domaine de la connaissance et un champ d’expertise en soi. Il n’est pas donné à tout le monde de parler ou d’écrire efficacement. Il faut maîtriser la parole et l’écrit, ainsi que les mécanismes de la perception et connaître les multiples pièges qui peuvent déformer le sens des messages. Ne serait-ce que pour parler efficacement aux journalistes, les organisations ont besoin d’une expertise spécialisée, mais il y a beaucoup plus. Les organisations doivent aussi se parler entre elles, échanger, discuter, négocier. Elles le font parfois par médias interposés mais aussi, idéalement, par des contacts directs et par leur participation aux mécanismes de consultation qui sont aujourd’hui devenus la norme.

    L’aptitude à bien communiquer s’est graduellement imposée comme une condition d’efficacité importante pour les dirigeants des organisations Cela est d’autant plus vrai pour les organisations les plus importantes. Mais les dirigeants ont besoin de pouvoir compter sur une expertise en la matière et sur des ressources internes capables de prendre charge et de structurer les communications et les relations publiques, exactement comme cela se fait pour toutes les autres fonctions des organisations, par exemple la production ou le marketing. Au XXIe siècle, il est tout simplement impensable d’imaginer une organisation importante, dans quelque domaine de l’activité humaine, qui n’aurait pas recours à une expertise en relations publiques soit par le biais d’une équipe interne, soit par le recours à des services spécialisés.

    La gestion efficace des relations entre les organisations contribue donc au bien commun. Comprenons-nous bien; il ne s’agit surtout pas de manufacturer un quelconque consensus artificiel et encore moins de supprimer des opinions dissidentes; cette vision des relations publiques n’a plus cours depuis belle lurette et seules les organisations obéissant à des réflexes d’une autre époque y croient encore – à leur détriment d’ailleurs. Ce dont on parle ici, c’est de l’articulation la plus claire possible des différentes options en présence dans le cadre d’un débat libre et démocratique, afin de permettre à chacun de se forger une opinion.

    Les relations publiques jouent un rôle devenu très important, sinon essentiel. D’où l’importance de les encadrer de normes éthiques et déontologiques, à l’instar des autres professions reconnues, afin d’assurer non seulement la protection de nos clients, mais encore une pratique alignée sur les intérêts communs, sur l’intérêt public. J’invite fortement tous les lecteurs de ce billet à consulter divers codes d’éthique et de déontologie afin de renforcer leur propre compréhension. Il s’en dégage une tendance lourde que je résumerais ainsi, au risque de trop simplifier : Les relations publiques qui favorisent les échanges d’information et dont le but est d’éclairer les débats sont légitimes et éthiques. Celles qui visent à étouffer certaines opinions ou à obscurcir les débats sont illégitimes et non éthiques.

    Ainsi, le Code d’éthique professionnelle de la SCRP affirme à son article 3 : «Tout membre doit s’astreindre aux plus hautes normes d’honnêteté, d’exactitude, d’intégrité, de vérité et ne doit pas sciemment diffuser des informations qu’il sait fausses ou trompeuses. »
    http://scrp.ca/aboutus/code_ethic.aspx

    Le code de la Public relations Society of America prescrit explicitement la libre circulation de l’information en établissant un lien direct entre cela et l’intérêt public : «Protecting and advancing the free flow of information is essential to serving the public interest and contributing to informed decision making in a democratic society.» et encore ««Open communication fosters informed decision making in a democratic society.»
    http://www.prsa.org/AboutPRSA/Ethics/CodeEnglish/

    Mais c’est encore dans le Code d’Athènes, adopté en 1965 par l’International Public Relations Association (IPRA) et modifié en 1968, que l’on retrouve exprimé le plus clairement les bases de la légitimité des relations publiques, exprimées cette fois en fonction de besoins humains fondamentaux. J’en reproduis ici de larges extraits :

    (Début des extraits du Code d’Athènes)

    «Considérant que l’homme, à côté de ses «Droits» (sic) a des besoins qui ne sont pas seulement d’ordre physique ou matériel mais aussi d’ordre intellectuel, moral et social et que l’homme peut réellement jouir de ses droits dans la mesure où ces besoins – dans ce qu’ils ont d’essentiel – sont satisfaits;

    Considérant que les praticiens des Relations Publiques peuvent, dans l’exercice de leur profession, suivant la façon dont ils l’exercent, contribuer largement à satisfaire ces besoins intellectuels, moraux et sociaux des hommes;

    Tout membre doit s’efforcer :
    2. De créer les structures et les canaux de communication qui, en favorisant la libre circulation des informations essentielles, permettront à chaque membre du groupe de se sentir informé, concerné, responsable et solidaire;
    3. de se comporter en toutes occasions et en toutes circonstances de façon à mériter et à obtenir la confiance de ceux avec lesquels il se trouve en contact;

    Tout membre doit s’engager :
    6. à respecter et à sauvegarder la dignité de la personne humaine et à reconnaître à chaque individu le droit de former, lui-même, son propre jugement;
    7. à créer les conditions morales, psychologiques, intellectuelles, du vrai dialogue, à reconnaître le droit aux parties en présence d’exposer leur cas et d’exprimer leur point de vue;
    8. à agir, en toutes circonstances, de façon à tenir compte des intérêts respectifs des parties en présence; ceux de l’organisation qui utilise ses services, comme ceux des publics concernés;
    9. à respecter ses promesses, ses engagements, qui doivent toujours être formulés dans des termes qui ne prêtent à aucune confusion et à agir honnêtement et loyalement en toutes occasions afin de maintenir la confiance de ses clients ou employeurs, présents ou passés, et de l’ensemble des publics concernés par ses actions.

    Tout membre doit s’interdire :
    10. De subordonner la vérité à d’autres impératifs;
    11. De diffuser des informations qui ne reposeraient pas sur des faits contrôlés et contrôlables;
    12. de prêter son concours à toute entreprise ou à toute action qui porterait atteinte à la morale, à l’honnêteté ou à la dignité et à l’intégrité de la personne humaine;
    13. d’utiliser toute méthode, tout moyen, toute technique de manipulation, en vue de créer des motivations inconscientes qui, en privant l’individu de son libre arbitre, ne l’obligeraient plus à répondre de ses actes.
    (FIN des extraits du Code d’Athènes)
    http://www.srrp.ch/files/Code_dAthene_Code_d136.pdf

    La légitimité et l’utilité sociale des relations publiques est donc clairement établie. Elle repose sur des besoins humains fondamentaux ainsi que sur les exigences de la vie en société. Mais cette légitimité n’est valable que dans le cadre d’une pratique éthique.

    La définition de la SCRP

    Revenons à la définition des relations publiques de la SCRP citée par Anne-Marie : «Les RP consistent en la gestion des relations entre une organisation et ses divers publics par l’entremise de la communication, afin d’atteindre une compréhension mutuelle, de réaliser les objectifs organisationnels et de servir l’intérêt public.»

    Premier constat : les RP ne résident pas dans le fait de communiquer, mais dans le fait de gérer les relations entre l’organisation et ses publics. Voilà déjà une première précision importante, qui fait allure ici de digression par rapport à mon propos principal mais que je ne puis m’empêcher de rappeler au passage tant elle est fondamentale.

    Deuxième constat : les RP ne servent pas à n’importe quoi; elles ont comme finalité l’atteinte de la compréhension mutuelle, la réalisation des objectifs organisationnels, et de servir l’intérêt public. Je n’ai pas participé à la mise au point de cette définition et je n’en connais pas l’exégèse. Mais je crois que l’ordre dans lequel ces trois finalités sont exprimées est très important. Il faut d’abord assurer la compréhension mutuelle et ensuite voir à la réalisation des objectifs organisationnels, l’un ne va pas sans l’autre. Il y va aussi bien de l’intérêt de l’organisation elle-même que de l’intérêt général de la société.

    Ceci demande une explication. La compréhension mutuelle ne signifie pas l’acceptation réciproque. Elle signifie que l’une et l’autre partie savent exactement à quoi s’en tenir relativement aux idées, aux opinions et aux projets de l’autre partie. La compréhension mutuelle peut parfaitement coexister avec un désaccord fondamental. L’important, du point de vue des RP, n’est pas d’assurer la réconciliation des parties (même si cela est souhaitable); l’important, c’est, d’une part, que chacun sache avec certitude ce que l’autre pense et, d’autre part, que soient maintenus ouverts des canaux de communication efficaces. Car lorsqu’un désaccord survient sur fond de communication franche et honnête, que la communication demeure ouverte et le respect présent, il est possible de circonscrire les effets négatifs au strict minimum, de mettre en place des mesures de mitigation, de discuter de compensation. Si, au contraire, un désaccord survient sur fond de méfiance et de dissimulation, les effets négatifs auront tendance à s’additionner et à s’amplifier en une escalade d’incompréhension et de méfiance pouvant mener à une rupture – et les désordres commencent généralement là où les parties ne se parlent plus. Par désordre, on peut entendre des poursuites, du sabotage, des grèves et des lock-out, des troubles sociaux, une agitation incessante dans les médias, des dommages à la réputation, des pertes de parts de marché.

    Résumons : l’intérêt du client est que le dialogue prévale toujours sur le conflit, même dans les situations où les intérêts sont diamétralement opposés. Exprimé autrement : autant pour les gagnants que pour les perdants, la diplomatie est toujours préférable à la guerre. En élargissant la perspective à l’ensemble des interactions des organisations entre elles partout dans la société, il découle que l’intérêt général de la société passe par la présence de mécanismes de dialogue qui favorisent la résolution pacifique des conflits et la construction d’opinions individuelles et collectives éclairées.

    Il n’y a donc pas opposition entre l’intérêt de mon client et l’intérêt public. Mon client a intérêt non seulement à atteindre ses objectifs organisationnels, mais aussi à le faire dans un climat où règnent la compréhension et le respect mutuels, même si la bonne humeur n’est pas au rendez-vous. C’est mal servir mon client que de le laisser se mettre en porte-à-faux avec l’intérêt public en poursuivant une stratégie basée sur la dissimulation, le mensonge et le refus du dialogue, où l’atteinte des objectifs se fait au prix de la paix sociale. Il arrive que ces stratégies livrent des résultats à court terme mais elles engendrent inévitablement une perte de confiance envers l’organisation qui y a recours et qui en subira des conséquences négatives sur le long terme. Et c’est mal servir ma propre crédibilité – et celle de ma profession – que de m’associer avec des pratiques contraires à la fois à l’intérêt public et à l’intérêt de mon client.

    En conclusion, j’espère avoir été clair et j’invite les réactions et les commentaires.

  14. Avatar de Anne-Marie Gagné
    Anne-Marie Gagné

    Génial comme réponse… Je vais devoir relire tout ça à tête reposée. Dans l’ensemble, je suis pas mal d’accord avec vous!

  15. […] certaine éthique, c’est à dire ne déforment pas indûment et pernicieusement la réalité. Watch out, bien chères sœurs et bien chers […]

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